Flexibilité, IA et durabilité : les clés du renouveau de l’immobilier

Au premier abord, le secteur de l’immobilier peut sembler en mauvaise posture. Mais cette conjoncture l’a aussi poussé à se repenser et à interroger les attentes des utilisateurs comme des porteurs de projets – une réflexion qui est au cœur des discussions et des échanges du salon de l’Immobilier d’Entreprise (SIMI) 2024. En réponse à cette crise quasi-existentielle, ce secteur prouve aujourd’hui sa vitalité en s’emparant des enjeux sociétaux et environnementaux. Ils se réinventent en capitalisant sur les dernières innovations et les apports de la data et de l’intelligence artificielle (IA). Passage en revue des grandes tendances en cours.

 

Comment s’adapter à l’évolution des attentes du marché ?

La réponse du secteur immobilier est celle de la flexibilité. Un caractère hybride et flexible qui se concrétise par la multiplication de projets à destinations multiples (entreprises, coworking, commerces, services…) pensés pour s’adapter, dès leur conception, aux évolutions à venir des besoins. Pour les utilisateurs, ces lieux sont en phase avec leur mode de vie et de travail. Pour les financeurs et les porteurs de projets, cette flexibilité est devenue un atout majeur pour la rentabilité à long terme. L’attribution des locaux peut en effet évoluer en fonction de la demande et les activités rentables viennent compenser celles qui ralentissent.

Ce caractère hybride qui s’impose aussi dans le secteur particulier de l’immobilier d’entreprise. Après l’ère du « tout à distance », de nombreuses entreprises incitent leurs collaborateurs à revenir « sur site ». Selon une enquête menée par JLL, estimait ainsi que 87 % des entreprises avaient mis en place un retour au bureau une partie du temps1. Pour accompagner cette tendance, l’immobilier d’entreprise a entamé une réflexion profonde sur l’environnement de travail proposé aux collaborateurs. L’ambition est de proposer des espaces de travail plus agréables à l’usage, dotés de services à valeur ajoutée, et pensés pour l’échange et la communication.

 

Responsabilité et durabilité

L’autre grande tendance qui marque la mutation de l’immobilier est l’intégration d’ambitions, parfois très exigeantes, en termes d’impact environnemental. Le sujet est, d’ailleurs, un des grands enjeux discutés au cours du SIMI 2024. Cette évolution est liée en partie au durcissement du cadre réglementaire avec, par exemple, l’extension depuis 2024 de l’application de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) aux nouvelles constructions à destination commerciale. Ce règlement, associé au Dispositif Eco-énergie tertiaire (dit aussi décret tertiaire), vise à réduire de manière significative l’empreinte carbone de l’immobilier tertiaire. L’évolution des ambitions environnementales est aussi liée aux attentes des utilisateurs mais aussi des financeurs qui prennent pleinement en compte ces enjeux dans leur décision d’investir.

Plusieurs solutions complémentaires sont à disposition du secteur pour réduire son impact que cela soit pour les nouvelles constructions ou pour la rénovation et la réhabilitation de bâtiments : application systématique des règles de l’écoconception dès le démarrage du projet, adoption de matériaux plus écologiques, choix d’énergies renouvelables ou de LED.

Par ailleurs, les enjeux environnementaux incitent aussi les promoteurs à accorder une attention supplémentaire à la localisation de leurs projets. Cette réflexion doit répondre à plusieurs enjeux : politiques et économiques, mais aussi sociétaux et environnementaux. Elle est amplifiée par la multiplication de lieux hybrides qui permettent, par exemple, de faciliter le coworking mais aussi par le vieillissement de la population française. Pour les porteurs de projets, la question de l’accessibilité des séniors ne peut plus être ignorée.

 

Un immobilier augmenté par les nouvelles technologies

Ces mutations du développement immobilier sont accompagnées, accélérées ou même permises par l’usage grandissant de la data et à l’IA. Et c’est une des grandes tendances qui se dégage des échanges entre experts venus d’horizon très divers lors du SIMI 2024. Ces technologies sont de plus en plus présentes à toutes les phases du développement et de l’usage de l’immobilier.

En amont, l’usage du duo data/IA est une aide à la décision en matière de développement immobilier en améliorant l’identification des besoins, risques et contraintes. La puissance de l’IA permet de croiser de grands volumes de données, complexes et de natures différentes. Cette analyse croisée est d’autant importante quand il s’agit de développer des lieux hybrides qui associent, par définition, des besoins différents.

1 – https://www.jll.fr/fr/espace-presse/jll-mene-l-enquete—travail-hybride–vers-un-retour-du-pouvoir-#1

Du côté des architectes puis des maîtres d’œuvre, ces outils s’imposent aussi comme des aides précieuses dans la planification, la prévision et l’optimisation des plans en particulier pour la prise en compte des critères d’écoconception. En parallèle, de plus en plus de financeurs ont recours à la puissance prédictive de l’IA dans un processus d’aide à leurs décisions d’investissement et dans la phase de due diligence.

 

La technologie au service de la responsabilité

Pour les gestionnaires et les utilisateurs, l’IA offre de nouvelles perspectives en termes d’optimisation. C’est le cas des smart buildings. L’utilisation de systèmes de contrôle (de la consommation d’énergie, du système de chauffage/climatisation ou encore de la consommation d’eau) s’impose comme un outil indispensable de réduction de l’impact environnemental des bâtiments. La multiplication des « smart buildings » s’inscrit dans cette tendance.

Boosté par l’usage de l’IA et de la data, ces bâtiments intelligents et connectés permettent d’optimiser la consommation d’eau ou d’énergie et d’améliorer la fiabilité des réseaux en détectant en temps réel les pannes, fuites, etc. Un récent article publié dans Nature estime que « l’intelligence artificielle pourrait réduire les surcoûts, en favorisant une meilleure adoption des bâtiments à haute efficacité énergétique et à zéro émission nette », et ainsi « réduire la consommation d’énergie et les émissions de carbone d’environ 8 % à 19 % d’ici 2050 » 2

La généralisation des systèmes intelligents révolutionne aussi le pan logistique de l’immobilier d’entreprise. La croissance continue de l’e-commerce s’est accompagnée d’une augmentation des besoins en termes de stockage et de distribution. Cela a également entrainé une réflexion sur la localisation de ces espaces pour optimiser les transports, les rapprocher des clients et réduire les émissions de CO2. Par ailleurs, cela a permis d’adopter rapidement des systèmes de robotisation ou de logiciels de WAS (Warehouse Management System) intégrant l’IA.

Plus flexible, plus responsable, plus connecté et intelligent, l’immobilier prouve sa capacité à s’adapter pour répondre aux attentes du marché du travail et sa volonté de s’inscrire dans la redéfinition du paysage urbain.

2 – Chao Ding, Jing Ke, Mark Levine & Nan Zhou, “Potential of artificial intelligence in reducing energy and carbon emissions of commercial buildings at scale”, Nature, Juillet 2024.